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La torréfaction

Tous les arômes sont-ils dans la Nature ? Est-il possible d’en créer de nouveaux ?

La nature est généreuse, notamment dans son expression végétale ; elle met à notre disposition des millions d’arômes différents, tous plus surprenants, enthousiasmants, complexes et surtout générateurs de plaisir à la dégustation.

Le métier d’Arômier tel que la famille RICHART l’exerce depuis 3 générations consiste avant tout à dénicher les arômes les plus riches, les plus vrais, les plus purs, les plus rares dans ce vivier que constitue la Nature.
Il consiste ensuite à les restituer au plus près de leur vérité, à travers des chocolats, des macarons ou d’autres spécialités à déguster.
Mais il existe un autre volet du métier d’Arômier. C’est celui qui consiste à créer de toute pièce des arômes que l’on ne trouve pas tel quel dans la Nature. C’est là un dessein ambitieux mais pas prétentieux.
Il existe en effet des savoirs faire capables, en partant d’un ingrédient que la Nature nous procure, de le transformer pour lui donner une palette aromatique nouvelle et différente de sa palette originelle.

Nous connaissons tous cette capacité de la cuisine des mets, qui crée des composés aromatiques issus des produits de la Nature mais finalement différents de ce qu’ils représentent aromatiquement dans leur milieu naturel.
Le Chocolatier-Arômier agit comme le cuisinier. Pour cela, par exemple, il lui suffit d’apprivoiser le feu !
En se servant de la chaleur, il peut torréfier et cela entraine tout simplement la création de nouveaux arômes.
Cela semble simple ? En réalité on parvient toujours à créer des arômes ; mais ce qui est difficile c’est la création de bons arômes : délicats, subtils, intenses, riches et complexes en évitant la création d’arômes rustiques, désagréables, trop faibles, en un mot indésirables et sans intérêt.
C’est là qu’intervient vraiment la maitrise de la torréfaction qu’il ne faut pas confondre avec la caramélisation.

La torréfaction proprement dite

La torréfaction consiste à exposer un ingrédient à un feu direct. Elle développe un arôme qui rappelle l’odeur du grillé.
À la Maison RICHART on l’utilise depuis très longtemps dans la fabrication des pralinés (amandes, noisettes, noix, pistaches…) et dans la fabrication du chocolat (fèves de cacao).
Le principe du savoir-faire est basé sur la réaction de Maillard, du nom de celui qui l’a découverte en 1911. Tous les jours, nous assistons sans nous en douter à de très nombreuses réactions de Maillard. Depuis le grillé du rôti jusqu’au bon goût du pain, celles-ci sont en effet présentes dans presque toutes les préparations culinaires, en particulier dans les viandes cuites.

Les conditions pour la mettre en œuvre sont les suivantes. Il faut :

  • Un ingrédient contenant des sucres réducteurs1, des acides aminés et des protéines.
  • Une source de chaleur intense.

Sans rentrer dans la chimie des aliments il est possible de dire que la production et la qualité des arômes produits par la torréfaction dépend :

  • De la nature et de la quantité de sucres réducteurs, d’acides aminés et de protéines contenues dans le produit.
  • De la conduite de la torréfaction en termes de température et de durée.

La torréfaction du cacao

Par exemple pour ce qui est du cacao, la réaction de Maillard agit sur les composés d’une fève qui a été bien fermentée et bien séchée, en la « consommant » dans une proportion plus ou moins importante et en produisant, par réaction chimique, les arômes du chocolat. L’importance de la consommation des sucres réducteurs semble primordiale par rapport à la consommation des acides aminés pour obtenir une qualité aromatique maximum.

La conduite de la torréfaction du cacao

L’obtention du meilleur résultat correspond à la mise en œuvre d’une courbe de torréfaction qui mixe la température et la durée. Sans trahir les secret de la famille, il est possible dire que plusieurs plages peuvent se succéder avec des durées et des températures différentes. De ce choix dépendra la palette aromatique du chocolat.

Il est important aussi de rappeler que la fermentation des fèves de cacao a pour objet et conséquence de produire des acides aminés. Cela signifie que les fèves non fermentées sont très pauvres en acides aminés. La torréfaction ne pourra pas produire les effets escomptés sur des fèves non fermentées ou mal fermentées.

Rappel : les arômes du chocolat sont habituellement classés en 3 catégories obtenues tout au long de la chaine de production :

  1. Les arômes de constitution qui existent dans la fève originelle et qui ne dépendent pas d’un quelconque traitement post récolte.
  2. Les arômes fermentaires, issus de la fermentation et du séchage des fèves. Ces arômes sont réellement révélés au moment de la torréfaction.
  3. Les arômes de torréfaction proprement dits qui sont obtenus uniquement par le procédé, et sans tenir compte des opérations précédentes.

La façon de conduire la torréfaction va donc déterminer en grande partie le goût (les arômes) du chocolat. À la Maison RICHART on opte plutôt pour une torréfaction non violente qui ne détruit pas les subtilités aromatiques des fèves. Ainsi, le chocolat obtenu n’est pas nécessairement très violent et ce n’est pas la force qui est recherchée, notamment au plan de l’amertume. En revanche c’est la palette aromatique qui est préservée.

La torréfaction des fruits à coques

A l’instar de la torréfaction des fèves de cacao, le procédé provoque les mêmes effets sur les fruits à coque tels que les amandes, les noisette, les pistaches, les noix …

La torréfaction sera d’autant plus efficace en terme de production aromatique que les amandes, noisettes, pistaches, noix….. seront chargées en sucres réducteurs et en acides aminés. Cela signifie que le choix des fruits à torréfier est très important puisqu’il détermine la qualité aromatique finale.

La torréfaction des fruits à coque est fondamentale dans la création de la palette aromatique des pralinés. Un praliné est un mélange broyé, de fruits à coque torréfiés, avec du sucre cuit au caramel. Certes la caramélisation du sucre développe des arômes (de caramel !)2, mais l’essentiel de la palette aromatique du praliné est obtenu par la torréfaction des fruits à coque. Notons au passage que la texture du praliné, (obtenue par le broyage), influence aussi la perception de la palette aromatique et que la générosité en fruits à coque de la recette va aussi grandement participer à la richesse de la palette aromatique.

Jusqu’à la double voir la triple torréfaction

Comme pour les fèves de cacao, la conduite de la torréfaction des fruits à coque met en œuvre un mix de températures et de durées. À la Maison RICHART on a longtemps cherché la meilleure option aromatique. Toujours sans trahir les secrets de la famille, nous pouvons dire là aussi que nous avons choisi un processus de plages successives de torréfaction. Il est ainsi possible de parler de double ou triple torréfaction. Le résultat est bien meilleur sur le plan aromatique, tant en intensité d’arôme qu’en finesse et complexité.


1 Lorsqu’ une solution de sucre (saccharose) est chauffée et/ou acidifiée, le saccharose se « coupe » en glucose et en fructose, qui sont des sucres dits réducteurs c’est-à-dire dotés de propriétés chimiques différentes.

2 Ne pas confondre la caramélisation avec la torréfaction. Ce sont deux procédés différents.